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La maison des reflets
Camille Brissot
Syros
février 2017
L'histoire
2022, nous suivons Daniel, 15 ans, habitant d'une maison de départ. Il vit au milieu de reflets, des images virtuelles de personnes défuntes. Son père Petro Edelweiss "fabrique" les reflets de personnes à la demande des familles pour les accompagner dans la difficile épreuve du deuil. Daniel veut s'échapper de ce monde clos et découvrir la réalité du monde. Il va ainsi rencontrer Violette...et sa vie va basculer.
l'île des morts de Böklin, tableau dans l'atelier de Petro |
Mon avis
#PLIB2018 #2748523245Camille Brissot nous propose un récit de science-fiction proche de notre époque où la réalité virtuelle s’immisce dans notre intimité.
La première de couverture m'a attiré l’œil et j'ai d'abord pensé que cette histoire était une histoire de fantômes avec une ambiance fantastique.
"Dehors, les ombres des arbres s'étirent sur les pelouses comme de longues coulées d'encre, et les lumières pâles des étoiles se reflètent sur la surface calme du grand bassin. On dirait que le monde est vide. Que plus rien n'existe. "
Après lecture, la première impression n'est pas loin de se confirmer la dimension fantastique en moins. Point de fantômes, mais des illusions. La frontière est mince entre ces deux concepts.
La réflexion sur le deuil, sur l'acceptation de la mort est traitée ici avec beaucoup de subtilité apportant des nuances et des points de vue différents.
Chaque personnage amène sa pierre à l'édifice. Des vérités sont révélées, on passe d'illusions en désillusions et la métaphore filée des reflets est une très belle image des faux-semblants de notre monde.
" - Arrêtez de traiter les reflets de fantômes !
- Renommer les choses ne suffit pas à en changer la nature, réplique calmement Mme Elia."
Daniel est un personnage en construction/ déconstruction, un être en questions.
Autour de lui gravite peu de personnes réelles mais présentes tout de même. Le plus difficile pour lui c'est de démêler le réel de l'imaginaire pour pouvoir enfin vivre.
"J'ai l'impression de me voir d'en-haut, à présent, et la perspective n'est pas formidable : un garçon de quinze ans, seul dans une maison emplie de reflets, piégé entre un père vivant mais absent, une mère morte mais présente, et une gouvernante fantasque. "
"La fébrilité qui m'a emporté la veille est retombée et, avec elle, les dizaines de pensées qui tourbillonnaient sous mon crâne lorsque je me suis couché. A croire que ma tête est une grosse boule de neige que j'ai un peu trop agitée. "
Un de mes personnages préféré est Madame Elia, personnage terre à terre, courageux, bien ancré dans la réalité sans être insensible elle est inflexible et juste.
"- C'est ça, la réalité, Daniel. Les illusions mais aussi les désillusions. "
"Le chagrin consume, et rien ne brûle sans combustible. Il emporte quelque chose de vous."
J'avoue que ce texte m'a beaucoup touché et je frôle le coup de coeur car je trouve essentiel qu'un récit jeunesse ouvre l'esprit sur des questions tabous telle que celle de la mort.
"- C'est mon moment préféré. Cette seconde où l'on arrive en haut, tout en haut... et qui précède la plongée vers le vide.
Sa voix a pris un timbre nouveau, on dirait qu'elle s'est chargée de nuit. "
" Face à un deuil, on est toujours seul, il me semble."
De nombreuses références au passage de la vie à la mort sont présentées dans ce livre et j'ai bien apprécié ces rappels parsemés de ci delà pour nous montrer le caractère universel de cette réflexion sur l'essence même de la vie et sur la mort. Le mythe d'Orphée et Eurydice, Charon et sa traversée du Styx, le tableau de Böklin...
" - Ces vieilles légendes, cher enfant, évoquent pourtant quelque chose d'essentiel, réplique-t-elle d'un ton pincé. C'est le passage de la vie à la mort, la dissolution de ce que nous sommes, la disparition définitive de ceux que nous aimons. La barque de Charon sur les eaux noires du Styx, saint Pierre et les portes du paradis...Autant de représentations d'un point de passage. "
Pour ce qui est de l'écriture de l'auteur, j'aime les descriptions de la nature qui change suivant le moment de la journée ou encore suivant les saisons.
" Dehors, le ciel ressemble à un plafond de marbre veiné de noir. Des nuages aux contours mouvants filent à toute allure vers le nord. Les cimes des arbres du parc ondulent comme pour échapper aux doigts du vent."
L'exploitation qui est faite du reflet, miroir trouble allié à la gémellité. Le choix d'alterner dialogues, lettres, citations, descriptions, de proposer un découpage par temps forts dans le récit avec des titres intermédiaires amène un rythme, une respiration particulière au récit qui allège le propos et lui donne sens.
" Et si les fins n'étaient que le début d'une autre histoire ? "
C'est intelligent, fluide dans l'écriture et l'on s'attache aux personnages même les plus acariâtres. J'ai énormément apprécié cette lecture qui viendra me hanter j'en suis sûre, pour mieux me raccrocher à la réalité.
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