Cécile Guillot
Lynks
octobre 2019
269 p.
#ISBN:9791097434373
Thorngrove. Sa forêt d'épines. Son manoir abandonné. Sa légende noire. Ses jumelles maudites.
Lorsque Madeline débarque à Oakgrove et s'intéresse d'un peu trop près à
Thorngrove, elle déclenche une série d'événements de plus en plus
inquiétants. Et lorsque sa sœur est touchée, Madeline se demande quelles
forces obscures elle a bien pu réveiller...
Thorngrove. Sa forêt
d'épines. Son manoir abandonné. Sa légende noire. On raconte que jadis,
des jumelles y ont vécu. Que l'une d'elles est devenue la proie du Malin
et a tué sa propre sœur... Qu'elles hantent toujours les lieux.
De nos jours, Madeline débarque à Oakgrove suite à la séparation de
ses parents. Quand on lui demande de faire un dossier sur la ville, la
jeune fille, curieuse d'en apprendre plus, pense tout de suite à la
légende urbaine de Thorngrove. Mais son enquête pourrait bien avoir des
conséquences insoupçonnées,menaçant la santé mentale déjà fragile de sa
cadette, Meadow. Lorsque celle-ci se met à agir de manière de plus en
plus inquiétante, Madeline se demande quelles forces obscures elle a
bien pu réveiller... et si les fantômes ne seraient pas réels.
Je me suis procuré le livre en avant-première aux Aventuriales où j'ai rencontré pour la deuxième fois l'autrice toujours aussi réservée et sensible. Je la remercie pour sa dédicace délicate et attentionnée.
Une
lecture effectuée dans le cadre du #tournoideselites et de sa première
épreuve, l'épreuve des audacieux du #PLIB2020. Seules lectures
autorisées : SFFF ou Thriller/Polar. J'ai choisi de découvrir un
présélectionné du PLIB2020 et j'ai fait une très bonne lecture.
Il est, de plus, sélectionné dans les 20 et passe donc à l'étape suivante. Souhaitons à son autrice qu'il continue dans l'aventure du PLIB2020.
Madeline et Meadow débarquent avec leur mère dans un trou pluvieux du Wisconsin, loin de la ville et de leur père.
Madeline ne décolère pas depuis que son père est parti avec une nouvelle femme. Elle est à fleur de peau, bagarreuse.
Meadow est égale à elle-même, elle présente des troubles autistiques qui la pointe comme étant différente au regard des autres. Mais elle semble bien s'intégrer au lycée.
Madeline va faire la connaissance d'un garçon de sa classe, un peu marginal, Baine, qui va devenir son ami et son partenaire pour un exposé qui les amène à travailler sur le manoir lugubre de Thorngrove. Une atmosphère délétère plane sur ce lieu et elle va contaminer l'humeur des deux jeunes filles, sujettes à des émotions exacerbées, quasi incontrôlables.
L'objet-livre
Je voulais d'abord souligner le magnifique travail d'édition, avec le soin porté à la couverture par le biais de la magnifique illustration de Fernanda Suarez (@fdasuarez sur Insta), ainsi que de la police de caractère fort bien choisie du titre. La mise en page est elle aussi très raccord avec cet ensauvagement, ce roncier qui avale les pages, jusque sur la tranche qu'il noircit.
L'atmosphère et l'agencement de l'intrigue
Parlons d'abord de l'ambiance créée par l'autrice : le mystère est de mise dans ce roman fantastique où l'on avance avec l'héroïne Madeline d'abord sereinement, sans appréhension et puis l'angoisse pointe, enfle, s'affermit au fil des pages.
Cécile Guillot construit son intrigue comme une enquête avec des indices qui s'ajoutent au fur et à mesure pour reconstituer un puzzle macabre où à la fin c'est le visage de la mort que l'on finit par apercevoir.
Mais ce que j'aime dans ce roman, ce sont les respirations et les moments feelgood qui sont distillés de ci de là notamment quand Madeline et Blaine se retrouve. Ce personnage masculin est un catalyseur de mauvaises ondes, il est pacificateur.
Le lieu antinomique de Thorngrove et dont je rêverai pousser la porte est ce petit salon de thé bric à broc où Blaine amène Madeline afin qu'elle goûte à une tarte au potiron.
Pour ajouter à l'atmosphère déjà frissonnante, l'autrice nous situe à la période d'Halloween et du jour des morts, en octobre et novembre, mois pluvieux par excellence.
Le manoir de Thorngrove est comme retourné à l'état sauvage, sans propriétaire véritable, abandonné et entouré d'une légende amérindienne reprenant l'idée du sacrifice du frère, du double pour une renaissance, un équilibre entre le bien et le mal.
Je ne résiste pas à l'envie de partager cette légende signifiante et poétique, symbolique et tragique.
" Quand le déluge inonda le monde, Moqwaio envoya son corbeau pour trouver un bout de terre. Survolant la surface des eaux, l'oiseau aperçut la cime d'arbres dépassant des flots. Moqwaio s'y posa et restaura le monde, faisant reculer les eaux. Il devint un héros aux yeux du peuple. Mais Anamaqkiu, l'esprit malfaisant de la forêt, était furieux : il décida de tuer Manabush, le frère jumeau de Moqwaio. Il planta l'épine de la discorde dans le coeur du jeune homme, et quand les frères se disputèrent, en venant aux mains, Manabush glissa malencontreusement dans le lac. (...) Moqwaio voulut le sauver, mais Anamaqkiu gela la surface de l'eau, de sorte que le frère resta prisonnier du lac et se noya sous les yeux du héros. L'esprit l'emporta ensuite avec lui dans le Monde du Dessous.
Les personnages
Cécile Guillot a su modeler des personnages attachants, malgré ou grâce à leurs défauts, leurs failles, leur fragilité.
Je ne retiendrais ici que Madeline, Meadow et Blaine même si les autres personnages apportent de l'épaisseur et de la consistance à ces trois-là.
L'autrice laisse s'exprimer les deux sœurs, chacune avec sa sensibilité, son caractère. D'ailleurs, leurs voix s'alternent et se répondent comme des échos lancés au vide. Un amour fraternel les unit mais la parole entre elles est difficile. On le remarque à plusieurs reprises dans le récit.
Elles ont une difficulté à communiquer, à formuler leur ressenti.
Meadow semble posséder des troubles autistiques, une sorte de clairvoyance, aussi. Elle est étrange, au ses plein du terme, étrangère à l'autre (même sa sœur).
J'aime beaucoup le traitement qui est fait de la différence, de l'importance du regard des autres sur soi, sur son entourage.
J'en viens au personnage de Blaine, que j'aurai voulu voir développé un peu plus. Il possède une aura solaire et bienfaitrice, il est comme un baume sur les plaies à vif de Madeline qui n'est qu'émotions, explosions. J'aime ce duo.
Je dirai que l'autrice excelle à rendre compte des relations entre les personnages, et les non-dits sont souvent plus puissants que les mots.
Une ambiance fantastique réussie avec des histoires de familles et de
malédiction. J'ai beaucoup aimé la légende amérindienne qui parcourt le
récit. Madeline et Meadow sont très différentes mais elles se
complètent et j'ai bien aimé aussi Blaine, un garçon attachant.
" N'allez pas sur ma tombe pour pleurer !
Je ne suis pas là, je ne dors pas !
Je suis les mille vents qui soufflent,
Je suis le scintillement des cristaux de neige,
Je suis la lumière qui traverse les champs de blé,
Je suis la douce pluie d'automne,
Je suis l'éveil des oiseaux dans le calme du matin,
Je suis l'étoile qui brille dans la nuit !
N'allez pas sur ma tombe pour pleurer
Je ne suis pas là, je ne suis pas mort. "