samedi 9 novembre 2019

Vert-de-Lierre #PLIB2020


Noir d'Absinthe
 
Vert-de-Lierre
Louise Le Bars
Noir d'Absinthe 
mars 2019
194 p.
#ISBN:9782490417247



" Une femme se tenait derrière moi, à quatre mètres environ ; son visage me terrifia. Il ne semblait ni jeune ni vieux, à la fois semblable à un tissu froissé par une main rageuse ou sculpté dans l'écorce d'un bois mort ; seuls deux yeux au vert luciférien perçaient le désert de ce visage braqué sur moi. j'avais enfin mon signe, celui que j'attendais, celui qui m'indiquerait le seuil franchi entre légende et vérité."

Le texte d'éditeur

"Olivier Moreau, un auteur de romans policiers en manque d'inspiration, décide de retourner dans le village de sa grand-mère tout juste décédée afin d'y régler certains détails. Il y renoue avec les souvenirs de son enfance, et redécouvre un étrange personnage de conte populaire local surnommé le Vert-de-Lierre, sorte d'antique vampire végétal qui le fascinait enfant. Cet intérêt va déclencher des visions et cauchemars chez l'écrivain en mal d'imaginaire ainsi que la rencontre de deux femmes tout aussi intrigantes l'une que l'autre. Olivier découvrira que cette figure païenne ancestrale est bien plus qu'un simple conte bon à effrayer les enfants ..."
 La petite histoire

 Olivier se retrouve dans son village d'enfance et il va suivre les indices d'une légende locale celle du Lierreux, comme un de ses personnages de roman policier. Il va flirter entre rêve et réalité avec une femme énigmatique qui l'envoûte littéralement et découvrir que mythologie, sorcellerie et vérité se mêlent étrangement tel le lierre au mur du château.

 Le contexte de lecture

J'ai rencontré l'autrice aux Aventuriales et elle m'a fait une dédicace de circonstance à la plume. 


 
Lu lors d'une lecture commune pour le #PLIB2020. C'est le premier livre que je découvre de la maison d'édition Noir d'Absinthe.



le PLIB


 Ce que je retiens de ce roman...

L'objet-livre

Parlons rapidement du soin apporté à l'édition de ce court roman. La couverture est sublime et est signée Marcela Bolivar, une illustratrice dont je ne peux que vous invitez à suivre son œuvre pour découvrir des portraits et une ambiance onirique. Elle a déjà signé les magnifiques couvertures aux éditions du Chat Noir d'Apostasie et du recueil Bal Masqué. 
La mise en page reprend le leitmotiv du lierre qui mange la page.






"J'étais caméléon, renaissance et mort, Hiver et Été, en mon enveloppe charnelle. Fille de la terre et du mauvais sort, lui même issu d'un dépit amoureux et d'une magie ancestrale."

 
L'intrigue

L'autrice mêle enquête policière et fantastique et romance. 

" Rose, vous êtes devenue mon roman, l'histoire qui devait s'écrire à l'encre de ma vie. Vous y trempez assurément la plume, (...) Un personnage a besoin de son écrivain. Vous êtes la narratrice de ma vie. Je sui devenu un personnage de votre monde. Rêve et réalité..."

On a l'impression de reconstituer avec le héros Olivier un puzzle dont il manque les pièces essentielles pour embrasser la situation et le mystère de la légende du Lierreux. 

" La réalité prenait des airs de polar, se teintait de l'encre de la fiction."

L'atmosphère gothique et fantastique

Très vite, le lecteur se retrouve plonger dans le doute, les mystères. Des touches d'irréel teintent cette histoire de malédiction, de mythologie qui semble remonter à la nuit des temps. 

" J'avais le sentiment que les contours de toute logique s'émoussaient, qu'aucune limite ne distinguait plus le réel du conte."

On chemine dans un labyrinthe végétal qui parfois semble sans issue. Puis un fantôme, une ombre attire l’œil et on avance tel le héros, hypnoptisé ici par le phrasé de l'autrice qui nous ensorcelle telle Rose avec son Olivier.  



 La légende

 Ici, l'autrice imbrique des mythes au milieu de légendes, elle lace et entrelace des croyances  mythologiques avec de la magie chamanique, des sortilèges de sorcières et des superstitions populaires. Elle tisse sa propre mythologie avec la poésie et des références littéraires nombreuses et qui se font écho.


"Je pense que le mythe est une autre forme d’Histoire, vous comprenez ? L’histoire de la vie intérieure de l’Homme, le versant nébuleux et poétique de la vie humaine, la réalité de leur imagination qui leur a servi de vérité pendant des siècles. La fiction et la vie sont jumelles de sang, vous savez."

 " J'aime profondément l'idée de personnifier un fleuve, un nuage ou la mort, m'expliqua-t-elle. Une façon propre à notre espèce d'assimiler ce qui ne lui ressemble pas. De donner un visage familier à l'inconnu, à l'invisible. (...) Cela permet de nommer sa peur ou son émerveillement, rien de moins. D'accueillir l'étrange et l'imprévu comme faisant partie intégrante de son propre univers, afin de l'enrichir, et non de les en exclure. "

Le Lierreux


« Son corps est de bois sec et dur,
Qui craque et grince
Ses doigts griffent, ses doigts pincent,
Son visage est une blessure
Pour quiconque le regarde
Du vert-de-Lierre prenez garde,
Dans ses yeux guette le Profane
Prêt à bondir sur votre âme
Son souffle est tel un cri de hibou
Qui trouve son écho entre chien et loup
Il aime les âmes en fleurs
Jeunes et fraîches à cueillir
Entre ses lèvres se fanent
Les amours printanières
Sur ses noueuses épaules languissent
Espoir et jeunesse, qui gémissent,
Et se dessèche comme l’automne
Son rire amer de faune »



" une Dame sans Sève (...), une jeune fille qui aurait fait une fatale rencontre avec le Vert-de-Lierre, l'homme-sylphe, le Lierreux. Tel un incube végétal, à chaque sacre du printemps, il se libérait de l'étreinte d'un lierre grimpant sur l'un des murs du château pour posséder la jeune fille qui avait le malheur de croiser son chemin. "

Les personnages

Même si l'on suit Olivier tout au long du récit les véritables actrices de cette fable sont Rose, Mary, Florelys-Mélisande. 
Elles sont sorcières au regard des hommes. 

" Les sorcières représentent ce seuil entre féminité libre et nature.  "
 L'autrice parle de la condition féminine, des mariages arrangés, au fil des époques, des entraves qui les soumettent aux hommes, à la société. 

" J'avais déjà observé les jeunes mariées au village, et toutes dans le regard avaient quelque chose d'éteint ; cette lueur de vie si pétillante avait été comme domestiquée, et on n'y lisait désormais plus que des regards convenus d'épouses soumises à la volonté de leurs maris. Et sous cette résignation, la jeune fille enfermée derrière les barreaux des conventions."

 " La rumeur avait enflé, monstre de médisance se nourrissant de son propre venin."

 J'aime beaucoup la réflexion sur la féminité et la prise de conscience progressive, par la femme, de son corps et de sa capacité à exister par elle-même.




"Telle un serpent ou une salamandre, je muais, repoussais, par le biais d'une force de vie irrépressible. Et ce fut grâce à cette deuxième vie qui commençait, grâce à l'homme qui m'avait arraché à cette misère, que mon éclosion fut complète et que je devins cette femme "reflorée". Mon âme et mon corps avaient retrouvé leurs pétales." 

J'aime cette approche de la femme liée aux éléments, à la nature. La femme est émotions et sensations en accord avec ce qui l'entoure. C'est très poétique, gothique, romantique comme approche.

 " Doucement, je m'enracine. Je rejoins cette immensité muette qui fait de moi un élément autant qu'un être. Je suis cette terre qui me porte, je suis ce vent qui m'ébouriffe, cette pluie qui lave d'oubli les pas de chacun. Je suis le bruissement de ces feuilles qui dentellent le silence."

 
" J'ai toujours voulu écrire sur les femmes et leur rapport étroit avec la nature.(...) ce lien qui a quelque chose de surnaturel, d'ailleurs. "


L'écriture

Les nombreuses citations  qui jalonnent cette chronique rendent compte de mon plaisir des mots. 

" Une houppelande de silence épais nappait ces murs d'un vert profond. "

 Je suis conquise par le phrasé de l'autrice. j'espère retrouve ces respirations et cette poésie dans un prochain récit.

" Le château de Mont-Drienne trônait là, tombé dans un bienheureux oubli, festonné de silence."

Une très belle plume poétique et engagée avec une histoire fantastique aux accents gothiques où sorcellerie et mythologie s'entrelacent tel le lierre à l'arbre irrémédiablement. La métamorphose est au coeur de ce récit sur l'identité.

" Du lierre coule le sang de l'été
Viens, viens m'aimer, doux Rêve 
Que je t'offre mon âme en sève
Le lierre a butiné ma beauté. "

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Et vous, que pensez-vous de ce livre ?

La Jeune institutrice et le grand serpent

 La Jeune institutrice et le grand serpent Irène Vasco (autrice) Juan Palomino (illustrateur) Obriart ISBN : 9791095135494        Une lectur...