samedi 4 novembre 2017

King Kong d'Antoine GUILLOPPE


❤❤❤❤❤

King Kong

Antoine GUILLOPPE

Gautier-Languereau

octobre 2015

 

(article rapatrié de mon ancien blog)

Antoine Guilloppé nous livre un nouveau trésor de découpes au laser en noir et blanc. Cette fois, il s’attaque au formidable King Kong et nous donne une version où l’action prime sur les paroles. Les tableaux se succèdent et donnent à voir  un Kong impassible et énigmatique et des hommes minuscules, fragiles autant perdus dans la jungle véritable que dans la jungle urbaine.

 Antoine Guilloppé continue d’exploiter le noir et blanc qui sied bien à Kong et rappelle le film des années 30. Cela  met bien en valeur le choix des points de vue, des cadrages cinématographiques comme dans Loup noir.


Le découpage laser des décors de ville sont un écho à Little man et la jungle à Ma Jungle.  Ce choix permet de deviner à travers la découpe la suite de l’histoire par fragments et permet de créer aussi une confusion ou une fusion de deux images qui s’appellent ou se contredisent.  Le plaisir des yeux est là dans ces jeux d’ombre et de lumière, de positif/négatif. Lorsque l’on tourne les pages lentement à la lumière d’une lampe, une ombre supplémentaire s’imprime éphémèrement sur le blanc de la page amenant profondeur et intensité dramatique.


Parlons de la couverture ou plutôt de la sur-couverture en découpe : ici, Guilloppé propose le portrait de Kong en gros plan de sa gueule aux traits très humains. Ce choix de blanc sur fond noir me fait penser au drapeau pirate avec la tête de mort (présage néfaste pour Kong ? ). Tout en sobriété cette couverture raconte déjà le début de l’histoire avec le bateau en partance. Un bateau qui quitte la ville éclairée pour l’inconnu sombre, obscur sous le regard de Kong toujours présent (ici : le reflet de la lune). La statue de la liberté en contre-bas semble dans une posture assez inhabituelle sous cette ville qui la domine. Quatre éléments se confrontent sur cette double page : la Liberté, la Lune, la ville et le bateau sous fond de nuit et d’eau. La page de titre se trouve en regard et sous le regard toujours de Kong omniprésent.


Les personnages sont 4 silhouettes noires minuscules sur ce bateau, en face le déchiqueté de la découpe montre confusion, tête de mort, un monde peut rassurant, trouble. L’on voit ensuite ce que les indigènes voit à travers le feuillage. Ces deux doubles pages sont un champ/ contre-champ superbe opposant deux mondes, deux objectifs.


A droite en bas se poursuit l’action.


Voilà Kong et en vis-à-vis, la captive Ann, silhouette noire enchainée au milieu de la jungle inextricable. Se succèdent des plans d’action figés sur l’avancée périlleuse de l’équipe de tournage dans ce monde perdu.


Une dentelle d’émotions laisse face à face Carl et Kong dans cette jungle hostile, où les hommes s’effondrent tel un château de cartes. Seule, une passerelle fragile se trouve entre ces deux êtres que tout oppose. Leur mains sont ouvertes l’une vers l’autre mais Carl rebrousse chemin.


Seul reste Jack , silhouette noire au bord de la lumière, d’un précipice vertigineux, du vide à mettre en parallèle avec celui de la fin où l’on voit Ann en surplomb de la ville. Moment suspendu dans ce monde d’action où l’homme est toujours en mouvement, en fuite, en recherche, en agitation.


Course éperdue du couple en blanc sur fond noir qui fuit un Kong déjà prisonnier d’un cadre ou les morceaux de bois semblent les barreaux d’une prison. Suit une double page où Kong, blanc, emprisonnant entre ses jambes Jack succombe aux bombes soporifiques.


C’est le retour à New York avec une image cubiste de Kong transformé en gratte-ciel. Image très graphique en contraste complet avec les arabesques raffinées de la salle de spectacle où le public anonyme se devine à peine et le héros du jour se noie dans l’excès des dorures et des paillettes.


Sur la double page suivante nous est donné à voir par les yeux de Kong l’éblouissement comme un point de vue subjectif.  Et Kong est là, dans un cadre découpé et enchaîné . L’action est toujours représentée en bas dans un coin, dominent l’état d’esprit de la « bête », ses émotions. Cette silhouette vide, blanche de Kong qui escalade l’Empire State Building semble un fantôme sur la ville.

 New York se dévoile en panoramique sur la page suivante, ville de lumière au milieu de la nuit. Seule la flèche de l’Empire State Building sort du cadre et est dans la lumière comme un espoir de vie vers quoi se dirige Kong.


Les avions en formation serrée semble fondre vers la silhouette éclairée de Kong, sans défense dans cette jungle de métal. Sous les avions la ville semble une ruine.


L’assaut final est donné, Kong est prisonnier du cadrage, encerclé.


La page qui suit rend compte de sa vision sur le vide en plongée, déformée par l’altitude, donnant le vertige : le moment où le gorille vacille. Enfin une contre-plongée oblique rend compte de la chute fatale du King.

 


Finalement Ann reste prisonnière de ce monde où la nature est absente. Son ombre, son attitude semble montrer ses bras dans le dos comme enchaînés. Elle contemple le vide.


Cet album est magnifique à dévorer des yeux encore et encore et à méditer.

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