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lundi 11 février 2019

#PLIB2019 Le Passageur, tome 1 : le coq et l'enfant




 Â© Lynks

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Le Passageur, tome 1 : le coq et l'enfant
Andoryss
Lynks
mai 2018
283 p.

#ISBN9791097434151

La petite histoire 

MatĂ©o Soler est un adolescent qui vit dans la banlieue parisienne avec sa famille : son père taciturne et colĂ©rique, son grand frère Diego protecteur et sa petite sĹ“ur Luisa, gĂ©nie scientifique. Il va basculer dans un autre monde, le jour oĂą il va voir une enfant fantĂ´me. Son destin va le conduire par-delĂ  les limbes, vers un passĂ© qui va lui ouvrir les yeux sur ses propres souffrances. 


" (...)la vérité dort dans nos silences. "

  Le contexte de lecture

Lu dans le cadre du PLIB 2019 et les 21 sĂ©lectionnĂ©s, j'ai adorĂ© dĂ©couvre cette histoire fantastique qui fera partie de mes 5 sĂ©lectionnĂ©s. 


L'objet-livre

Je ne pouvais pas ne pas parler de la couverture et de l'objet en lui-même. D'abord la première de couverture correspond tout à fait à l'ambiance fantastique du roman : une photographie en noir et blanc d'une enfant dans un cimetière, dont on ne voit pas le visage et qui représente parfaitement un des personnages du livre accompagné d'un titre rehaussé d'or et d'arabesques qui souligne ce mot étrange de Passageur. J'adore le toucher du papier avec un grain particulier. Magnifique objet livre !


Ce que je retiens de cette lecture...

 L'intrigue

 Nous dĂ©barquons dans l'histoire au moment oĂą  il voit un fantĂ´me et oĂą il est dĂ©signĂ© comme Passageur alors que ce rĂ´le incombe toujours aux femmes. Mais qu'est-ce qu'un Passageur ? 


C'est une personne aux dons particuliers qui peut aider les âmes Ă  partir en paix, rejoindre la mort et arrĂŞter de hanter les vivants. 

 " Une Passageuse. Enfin un passageur sert les morts. 
Tous les fantĂ´mes n'ont pas besoin de lui, car tous les fantĂ´mes ne veulent pas passer. "

Le premier fantĂ´me qui hante MatĂ©o l'entraĂ®ne un siècle et demi en arrière. 

L'autrice nous fait effectuer des sauts temporels de notre actualitĂ© Ă  celle des Parisiens sous la Commune dans les annĂ©es 1880. Elle projette son jeune hĂ©ros dans la tourmente d'une guerre civile oĂą les pauvres  ne sortent de ce conflit armĂ© que les pieds devant. Les Versaillais, en une semaine sanglante, rĂ©duisent les partisans de cette rĂ©volution Ă  nĂ©ant. 

 " Ce sont toujours les pauvres qui perdent, 
et les riches qui gagnent. 
L'argent ne partage pas le pouvoir. "

Cette violence n'a d'Ă©gale que l'indiffĂ©rence de chacun pour la situation des Roms aujourd'hui. Situation bien illustrĂ©e dans ce roman. 

Le jeune hĂ©ros est un Rom sĂ©dentarisĂ© qui ne cĂ´toie que de loin la communautĂ© du Camp, mais il connaĂ®t le mĂŞme mĂ©pris au collège, dans la rue. La sociĂ©tĂ© le rejette simplement parce qu'il est gitan. 

 "Me faire la morale, 
c'est essayer d'attraper un nuage avec un filet Ă  papillons."


MatĂ©o s'accommode assez de cette indiffĂ©rence et de ce mĂ©pris, c'est plutĂ´t sa culpabilitĂ© et la colère de son père qui le rongent depuis le dĂ©cès de sa mère et de sa sĹ“ur. Il se sent coupable de leur mort. 

" (...)chez moi, la culpabilité est un lac insondable retenu par un barrage fissuré. "

Le rĂ©cit est un vĂ©ritable parcours initiatique pour MatĂ©o qui va mĂŞme mĂ©taphoriquement traverser l'enfer en passant dans les catacombes de Paris Ă  la poursuite de son propre fantĂ´me.  

 " Peur ? 
Je cherche en moi quelque chose qui pourrait ressembler Ă  ça. 
Je ne trouve rien. 
La mort m'accompagne, et sa façon d'être près de moi me confirme tout à la fois qu'elle n'est pas une fin, ni même un ennemi. "


les personnages

MatĂ©o est un grand adolescent dĂ©gingandĂ©, adepte de "parkour" plus pour Ă©chapper aux harceleurs que pour pratiquer une discipline sportive. 

" Moi, je suis le corbeau de la famille. 
Grand, dĂ©construit par l'adolescence, la peau sombre, les cheveux plus sombres encore, lisses et noirs. 
Mais nous avons tous les mĂŞmes yeux, tous les Soler. 
Des yeux bleu clair, de la couleur de l'eau qui sort des glaciers."

Il est très sensible et sait comprendre les Ă©motions des autres comme le dit si justement sa sĹ“ur Luisa. La culpabilitĂ© est son poids quotidien et lui oppresse les poumons, lui obstrue la vue. Ses Ă©preuves vont le rĂ©vĂ©ler et il va enfin s'accepter et enfin vivre. 

 " Mes rĂŞves sont peut-ĂŞtre des mensonges que mon cerveau invente, tout comme les souvenirs que je me traĂ®ne."

Diego et Luisa sont des frères et sœurs attentifs et aimants, toujours prêts à le défendre face à un père violent.

Les Roms : ils sont prĂ©sents Ă  la fois dans le Camp près de chez MatĂ©o et en 1880 Ă  Paris. Leur communautĂ© est très soudĂ©e, mĂ©fiante vis-Ă -vis de la sociĂ©tĂ©. Pour eux les Passageuses sont sacrĂ©es car elles cĂ´toient les morts pour les apaiser. Leurs croyances se transmettent de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, ils sont très indĂ©pendants et fiers. 

Le père de MatĂ©o est souvent absent car il est routier. Sinon il  n'est que douleur. Il n'a pas rĂ©ussit en faire son deuil, il est un peu comme un trushal odji  (âme en peine) vivant. 

 " Il a enterrĂ© la mĂ©moire en mĂŞme temps que leurs corps, 
nous a dĂ©racinĂ©s, et a coupĂ© tout ce qui le rattachait au passĂ©. " 

 " Le silence règnera en maĂ®tre chez nous, ce soir comme tous les soirs depuis la mort de maman, quand papa rentre Ă  la maison. Mon père avale nos voix, 
qu'elles aient un sens ou qu'elles n'en aient pas. "


Marie est le premier trushal odji qu'il doit aider. C'est une très jeune femme rĂ©volutionnaire qui se dĂ©bat seule avec son enfant dans un Paris incendiĂ©. Elle est morte sans avoir pu protĂ©ger son enfant. 

Louise c'est un prĂ©nom portĂ© par plusieurs personnages du livre comme si ceux-ci se faisaient Ă©cho de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Il est Ă  rapprocher de Luisa la sĹ“ur de MatĂ©o, Ă©galement. 

L'enfant fantôme est le fil rouge de Matéo, son fil d'Ariane qui lui permet de passer d'une époque à l'autre sans se perdre. Au fil de l'histoire, l'on va se rendre compte de son importance dans l'évolution de Matéo. Une magnifique relation les lie l'un à l'autre.

Inma 
 Elle est la dĂ©tentrice du savoir gitan sur les dons des Passageuses. La description qui suit fait d'elle une sorcière, une magicienne, très mystĂ©rieuse.

 " l'ombre est une vieille femme toute sèche, 
ridĂ©e comme le dĂ©sert, 
aux yeux lumineux 
et aux cheveux d'encre saupoudrés de blanc."

L'écriture

J'aime la plume d'Andoryss, empreinte de poĂ©sie. 

" J'ai le coeur au bord des lèvres et des semelles de plomb. "


L'autrice rend compte merveilleusement des Ă©motions des personnages mais elle rend Ă©galement bien vivante l'histoire avec un grand H. 
Les allers et retours entre passĂ© et prĂ©sent rythment bien l'histoire et des pans d'ombre sont levĂ©s pour permettre au lecteur d'avancer comme MatĂ©o vers une certaine vĂ©ritĂ©. 

" Les gens du voyage, comme les Passageurs, vivent l'Histoire tout en restant en dehors d'elle. "

J'aime la place laissĂ©e au rĂŞve pour dĂ©voiler de façon subtile une rĂ©alitĂ© dure Ă  encaisser. 




" J'ai Ă©tĂ© arrachĂ© Ă  moi-mĂŞme, 
et le monde a perdu toute sa rĂ©alitĂ©. 
Je corrige : le monde est réel, c'est moi qui ai cessé d'exister. "




Très belle histoire fantastique avec un fond historique méconnu. Les personnages de cette famille sont attachants et émouvants. Aborder la communauté Rom et la Commune dans un livre fantastique, c'est plutôt original et pour le coup très bien "ficelé". La suite me tente pour voir vers quelle époque, l'autrice compte nous amener.


 " Si je descends dans les profondeurs du monde, 
qui sait si je remonterais ? "

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